Interview Bertrand Coty
Antoine Ngakosso, vous publiez aux éditions Vérone « Espace budgétaire et soutenabilité de la dette ». La dette est un sujet de préoccupation très actuel. Quelle est votre vision de la soutenabilité de la dette aujourd’hui ?
Comme le titre de l’ouvrage l’indique, ma vision de la soutenabilité de la dette publique s’appuie sur la notion de l’espace budgétaire. Ainsi, une dette publique d’un pays demeure soutenable tant que toute augmentation des impôts ou toute réduction des transferts sociaux n’entraine pas des mouvements sociaux.
Dans ces conditions, le pays dispose encore de l’espace budgétaire, c’est-à-dire d’une marge de manœuvre budgétaire. Cette nouvelle vision de la soutenabilité de la dette publique est différente de l’ancienne vision qui était quasiment focalisée autour de la notion de solvabilité. En effet, cette ancienne vision ne tenait pas compte des effets sociaux associés au niveau de l’endettement public.
Dans la nouvelle vision, une dette publique devient insoutenable lorsque son espace budgétaire est épuisé. En effet, on parle de l’épuisement de l’espace budgétaire lorsque l’excédent budgétaire primaire est totalement absorbé par le paiement des intérêts de la dette échue. Dès lors, l’État ne peut plus stabiliser sa dette. Par conséquent, toute tentative d’augmentation de la pression fiscale ou de réduction des transferts sociaux entrainera des mouvements sociaux.
Selon l’approche de l’espace budgétaire, pour éviter que la dette publique devienne insoutenable, l’emprunt de l’État doit être affecté au financement des dépenses d’investissement pour lesquelles un effet de levier est attendu. Cet effet levier permet de générer des ressources nécessaires au paiement des intérêts et au remboursement du capital emprunté. L’affectation de l’emprunt au financement des dépenses d’investissement soulève la question de la qualification d’une dette publique de bonne ou de mauvaise.
La bonne dette est celle qui a servi au financement des dépenses d’investissement à effet de levier qui vont augmenter l’espace budgétaire et maintenir ainsi la soutenabilité de la dette. En revanche, la mauvaise dette est celle consécutive à un emprunt qui a été affecté au financement des dépenses de fonctionnement qui sont réputées improductives. En toute évidence, une dette odieuse fait également partie de la mauvaise dette.